Face à la pression des salariés et des consommateurs, et aux réglementations qui se renforcent, le monde de l’industrie est en pleine mutation. Afin de relever le défi environnemental qui les attend, les industriels explorent de nouvelles solutions. Pour eux, il s’agit de passer du modèle d’économie linéaire (extraire, fabriquer, consommer, jeter), à un modèle économique circulaire dont l’objectif est de « produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et le gaspillage des ressources (matières premières, eau, énergie, ainsi que la production des déchets) ». Analyse.
« Seulement 9% des ressources naturelles exploitées au niveau planétaire sont réinjectées dans le système », c’est le bilan que dresse le premier état des lieux de l‘économie circulaire « Circularity Gap Report » publié par le think tank néerlandais Circle Economy en janvier 2018. Un constat alarmant qui vient renforcer les positions des pouvoirs publics à ce sujet. Depuis 2015, la France, qui a reconnu l’économie circulaire comme l’un des objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et écologique, ne cesse de multiplier les mesures. Tendre vers 100% de plastiques recyclées en 2025, réduire de 50 % des déchets non dangereux mise en décharge en 2025 par rapport à 2010, économiser l’émission de 8 millions de tonnes de CO2 supplémentaires chaque année grâce au recyclage…, la liste des objectifs de la nouvelle feuille de route de l’écnomie circulaire dévoilée en avril dernier est longue et le défi pour les industriels se révèle de taille.
© ministère de la transition écologique et solidaire
Économie circulaire : le brokerage
Pourtant, certains n’hésitent pas à se lancer. « D’un point de vue éthique, c’est juste primordial », explique Isabelle Soret-Monchatre, directrice générale déléguée -Industrie – au sein de Realease Capital : « Si les industriels ne fournissent aucun effort sur leur process cela aura un impact néfaste sur notre planète. Aujourd’hui, il faut garantir et préserver notre futur en réduisant notre empreinte écologique. La période de consommation à l’excès tire à sa fin ». Cette urgence, Realease Capital, société spécialiste de la location d’actifs technologiques, l’a bien comprise. Cette entreprise participe activement à l’économie circulaire, grâce au brokerage qui alimente le cercle vertueux renouvellement-réutilisation des matériels. « A la fin du contrat, les machines qui sont en état de fonctionnement sont récupérées par nos prestataires et reconditionnées afin de les remettre en vente, quant aux autres, Realease Capital les livre à des sociétés comme PAPREC (spécialiste du recyclage et de la revalorisation des objets, ndlr) qui se chargent de revaloriser les matières », souligne Isabelle Soret-Monchatre qui rappelle que Realease Capital est partenaire de la FEDEREC, fédération des recycleurs qui souhaitent que les déchets, notamment plastiques, puissent avoir une seconde vie. En la matière, Jean-Philippe Carpentier, président de la FEDEREC, se montre optimiste malgré la décision récente de la Chine d’arrêter l’importation de 24 types de déchets, principalement les vieux papiers et cartons, ainsi que des plastiques non lavés: « le ‘business model’ est en train de s’inverser sur les plastiques grâce à la mise en place de projets comme celui de l’entreprise Machaon (cette usine créée une matière première à partir de plastiques souples issus des ordures ménagères, ndlr) », observe le président des recycleurs, dans une interview accordée au journal Les Echos publiée en janvier 2018.
Économie circulaire : les matières premières recyclées
Une bonne nouvelle pour les plasturgistes qui, contrairement aux idées reçues, se mobilisent également pour répondre aux nouveaux enjeux environnementaux. De plus en plus d’acteurs de cette filière proposent des produits issus du recyclage. Une enquête publiée en 2016 par la Fédération de la plasturgie révèle que 46% des entreprises sondées ont déjà utilisé un plastique recyclé. « Nous sommes considérés comme des pollueurs parce-que nous utilisons du pétrole. Pourtant, compte tenu de nos compétences et nos équipements, nous sommes les mieux placés pour transformer les produits issus de filières de recyclage en de nouveaux produits. Le plasturgiste est le meilleur acteur dans le domaine des plastiques pour répondre à la problématique de l’économie circulaire », rappelle Bertrand Dubin, co-dirigeant d’Océplast/Océwood, une PME située en Bretagne qui vise à l’intégration d’un maximum de composants recyclés dans ses produits. Cette société a d’ailleurs développé un matériau composite constitué à plus de 95% du recyclage de matières plastiques et d’anas de lin, un co-produit naturel de la fibre de lin qui, jusqu’à récemment était tout simplement brûlé.
© Océwood
Économie circulaire : l’efficacité hydrique et énergétique
Réduire les déchets, c’est aussi le pari que s’est lancée Aquassay. Cette société, première du genre, propose aux industriels d’améliorer les performances de leurs usages de l’eau (réduction des consommations et des rejets, augmentation de la productivité). « On est persuadé qu’il faudra gérer les déchets liquides de la même manière que l’on gère aujourd’hui des déchets solides dans des filières adaptées. Aquassay propose un nouveau modèle de gestion de l’eau qui consiste à moins consommer et à traiter tout ce que les industries n’ont pas pu éliminer. Notre relation à l’eau doit être modifiée, il faut toujours avoir en tête que l’eau est épuisable, altérable et coûte très chère », observe Vincent Reynaud, assistant commercial au sein d’Aquassay.
© aquassay
A l‘efficacité hydrique vient s’ajouter l’efficacité énergétique. Le réchauffement climatique et les conséquences qui en découlent : augmentation du niveau des océans, catastrophes naturelles, etc… obligent les industriels à entamer une transition vers des systèmes énergétiques plus propres. Par exemple, de nombreux systèmes d’économie circulaire permettent aujourd’hui de valoriser la chaleur fatale. C’est le cas de l’entreprise française Qarnot qui transforme la chaleur des ordinateurs en chauffage. « Certaines entreprises (…) ont des besoins en puissance informatique de plus en plus importants. Mais elles n’ont pas forcément la place pour stocker les serveurs qui les fournissent. Elles doivent donc faire appel à des data centers qui représentent 3 % de la consommation électrique mondiale et ce phénomène double tous les cinq ans. Il arrivera donc un moment où l’on aura du mal à répondre à la demande exponentielle de puissance informatique. J’ai donc mis au point le Q.rad. Un radiateur numérique qui contient des microprocesseurs embarqués capables de fournir de la puissance informatique, tout en récupérant l’énergie fatale produite pour chauffer des logements ou des bureaux… », décrit Paul Benoit, cofondateur de la société Qarnot dans une interview accordée à Living Circular publiée en 2016.
Matières premières, eau, énergie, afin d’encourager les industriels à se tourner vers des modèles ou solutions qui limitent le gaspillage et la consommation de nos ressources et qui s’inscrivent dans l’économie circulaire, les ministères chargés du développement ont mis en place des engagements sur la croissance verte. Un dispositif qui s’inspire du modèle néerlandais des « green deals ». Le principe est simple : les industriels passent un accord avec les pouvoirs publics qui les aident à identifier les freins, notamment ceux liés à l’innovation pour la transition écologique, et les solutions pour les lever. Les engagements pour la croissance verte, qui ne sont pas un instrument financier, sont complémentaires des aides financières classiques de l’État. Une raison supplémentaire pour les industriels de se lancer dans l’économie solidaire.
Pour en savoir plus :
Le ministère de la transition écologique et solidaire
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
La Fédération Professionnelle des Entreprises du Recyclage
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