Le plan numérique pour l'éducation mis en marche à la rentrée scolaire 2016 prévoit d'équiper 300 000 élèves en tablettes numérique à l'école. Cette nouvelle doit-elle forcément réjouir parents et enseignants ? Quel impact réel les tablettes ont-elles sur l'enseignement et les performances des élèves ?
Le plan numérique pour l'éducation fait son baptême du feu en cette rentrée scolaire 2016. Destiné à initier l'entrée de plain-pied de l'école dans l'ère numérique, ce grand plan prévoit cette année d'équiper 738 collèges en tablettes numérique cofinancées par l’État et les collectivités territoriales. Selon les estimations de Mathieu Jeandron, Directeur du numérique pour l’éducation et chargé de mener à bien ce projet qui vise à généraliser les usages numériques sur trois ans, le plan devrait ainsi cibler environ 300 000 élèves de cinquième pour cette rentrée 2016.
Carte des collèges numériques / Source : ecolenumerique.education.gouv.fr
Éducation au numérique et tablettes à l'école :
une utilisation controversée
Or, la grande révolution numérique de l'école n'est pas encore amorcée qu'elle suscite déjà le débat. En cause, les usages pédagogiques réels des tablettes à l'école. Pas assez de matériel déployé selon les uns, un usage pédagogique inefficace voire une utilisation trop anecdotique selon les autres.
Qu'en est-il concrètement pour cette rentrée scolaire 2016 : les tablettes à l'école vont-elle réellement permettre d'améliorer les résultats des élèves ?
Concernant l'influence des tablettes sur la réussite des élèves en milieu scolaire, les études scientifiques manquent un peu à l'appel. Une des rares en la matière, la première évaluation des compétences numériques menée dans le cadre du programme PISA de l’OCDE en 2015, se veut assez critique sur les usages de la tablette à l'école. Selon cette dernière :
« Les pays qui ont consenti d’importants investissements dans les TIC dans le domaine de l’éducation n’ont enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences. »
Un constat plutôt sévère qui sert régulièrement d'argument aux détracteurs de l'école connectée.
Éducation au numérique et tablettes à l'école :
l'exemple du Québec
Toutefois en ce qui concerne le numérique à l'école, il convient de prendre un peu de recul. Au Québec, où près de 10.000 élèves du secondaire utilisent quotidiennement des tablettes à l'école, une autre équipe s'est intéressée à l'influence de ce nouvel équipement sur le travail scolaire. Menée par Thierry Karsenti, enseignant chercheur titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies en éducation, cette dernière a émis un rapport intitulé « L’iPad à l’école : usages, avantages et défis ». Le résultat de cette enquête réalisée auprès de 6057 élèves et 302 enseignants du Québec dresse un bilan beaucoup plus nuancé d'un an d'utilisation des tablettes à l'école entre 2011 et 2012.
« Ce que montre le rapport c'est que la première année, on assiste à une grande phase d'adaptation, tant pour les élèves que pour les enseignants » analyse le chercheur.
D'autre part, ce que souligne l'expérience québécoise, c'est que l'interaction entre les élèves et les tablettes numériques évolue largement au fil du temps. Un second rapport de l'équipe de Thierry Karsenti, à sortir à l'automne 2016, revient sur 4 ans d’utilisation de tablettes à l'école au Québec :
« Quatre ans plus tard, l'influence sur la réussite est très importante. Plus de 99% des élèves perçoivent un impact sur la réussite scolaire à travers divers facteurs » précise le spécialiste québécois.
Selon ce dernier, l'explication de cette réussite sur le long terme s'explique par plusieurs causes, parmi les plus significatives : l'adaptation et la formation des enseignants.
« Fournir les tablettes n'est pas suffisant : il faut former les enseignants, il faut leur donner du temps pour apprivoiser le numérique » martèle le chercheur.
Numérique et tablettes à l'école :
à intégrer dans un projet global.
En France, de nombreux spécialistes du numérique à l'école font le même constat. C'est le cas de Sophiae jeune start-up spécialisée dans le conseil et la formation aux nouvelles technologies pour l'éducation. Rachetée récemment par le spécialiste de la location financière évolutive REALEASE Capital (Voir encadré ci-dessous), Sophiae qui met en place des programmes innovants d'intégration de tablettes numérique à l'école insiste, entre autres aspects, sur l'importance de la formation des enseignants. Cédric Bony, responsable pédagogie de Sophiae revient sur les bonnes pratiques à mettre en place pour la réussite d'un projet numérique à l'école :
« Il faut bien sûr de la formation, mais aussi du leadership de la part de l'établissement. Que ce dernier ait une vision du projet et qu'il soit centré sur sur la pédagogie et l'apprentissage des élèves. Il ne s'agit pas de « mettre » du numérique pour mettre du numérique ».
Que penser alors des trois jours de formation obligatoire que le grand plan numérique pour l'éducation destine aux enseignants à partir de la rentrée 2016 ? Est-ce suffisant pour accompagner les élèves vers une bonne utilisation des tablettes?
Cedric Bony, également professeur de physique-chimie dans un collège/lycée en marge de son activité au sein de Sophiae, le conçoit à condition « que les enseignants sortent de la formation avec des réflexes à utiliser directement avec leurs classes. »
Fournir les tablettes n'est pas suffisant : il faut former les enseignants, il faut leur donner du temps pour apprivoiser le numérique
Thierry Karsenti
Difficile toutefois selon le spécialiste de s'arrêter à ce minimum légal : « Globalement, il faudra du complément à la formation standard car il est nécessaire aussi pour les enseignants de s'auto-alimenter au fur et à mesure. Or ce n'est pas facile quand on est dans le rush de l'année scolaire. »
Pour répondre à cette problématique, Sophiae prévoit des formations en ligne, des Moocs et des Webinaires, afin de « nourrir » et stimuler les enseignants des établissements auprès desquels elle intervient. Une approche pensée pour accompagner en douceur les changements liés à l'irruption du numérique et des tablettes dans la profession d'enseignant.
« Avec le numérique à l'école, on assiste à un changement de posture. On n'est plus dans le modèle de l'enseignant omniscient qui sait tout et qui distribue son savoir aux élèves. On est maintenant dans l'échange constructif », analyse le responsable pédagogie de Sophiae.
Dans ce nouveau panorama, les tablettes à l'école doivent-elles être uniquement perçues comme un élément complexe ? Ne peuvent-elles pas améliorer l'apprentissage et le quotidien des élèves ? L'expérience québécoise répond avec optimisme par l'affirmative, à la condition qu'enseignants et élèves changent, ensemble, leur rapport au numérique. Pour Thierry Karsenti :
« Avec les outils numériques, il faut un peu se défaire de ces habitudes, où l'informatique est perçu comme une récompense. Il faut que les enseignants réussissent à faire passer le message que la tablette n'est plus uniquement un outil ludique mais un outil d'apprentissage. »
Avec le numérique à l'école, on assiste à un changement de posture. On n'est plus dans le modèle de l' enseignant omniscient qui sait tout et qui distribue son savoir aux élèves
Cedric Bony – Sophiae
Tablettes à l'école :
des outils pédagogiques aux multiples atouts
En dehors de ces mises aux points indispensables à tous projets éducatifs numériques, et dans lesquels des intervenants extérieurs tels que Sophiae peuvent être des interlocuteurs de référence, les tablettes numériques présentent de nombreux avantages pour s'intégrer dans un projet pédagogique à l'école. Interviewé au printemps dernier sur le site spécialisé Next Inpact, le directeur du Numérique pour l'éducation déclarait :
« Les tablettes ont une autonomie supérieure aux ordinateurs, une rapidité de démarrage (ce qui est très important en cours), un prix un peu plus modeste, ainsi qu'une ergonomie qui facilite son emploi en classe ».
Ces dernières présentent également des avantages évidents de mobilité. « On peut travailler sur des groupes modulables, faire de la pédagogie différenciée. Et cela est beaucoup plus facile à mettre en œuvre qu'avec un parc informatique classique qui est souvent circonscrit à une salle précise et pour lequel il peut y avoir des conflits de logistique et d'emploi du temps » détaille Cédric Bony.
De même, dans son rapport précédent, Thierry Karsenti comptait 15 avantages à l'utilisation des tablettes à l'école. Parmi les points forts, une meilleure organisation du travail, une collaboration accrue entre élèves et enseignants, une meilleure qualité des présentations réalisées par les élèves…
D'autre part, l'usage des tablettes à l'école peut directement avoir un effet positif sur la manière d'apprendre et de s'exprimer des élèves.
« On peut ainsi découvrir un potentiel chez certains élèves que l'on n’imaginait pas. Par exemple lorsque les élèves doivent rédiger quelque chose très académique, certains d'entre eux peuvent se retrouver bloqués. Non pas parce qu'ils ont un problème de compétence, mais parce que ce n'est pas leur manière de fonctionner. Avec les tablettes, on accède à un mode d'expression qui peut leur convenir » analyse Cédric Bony.
Il faut que les enseignants réussissent à faire passer le message que la tablette n'est plus uniquement un outil ludique mais un outil d'apprentissage.
Thierry Karsenti
Même son de cloche chez Thierry Karsenti. « Les élèves au contact de tablettes développent des compétences exceptionnelles. Grâce au numérique et grâce aussi à l'encadrement du professionnel qui est derrière » estime le chercheur, avant d'insister : « En 2016, c'est très important que le numérique soit présent à l'école. Non pas pour permettre aux élèves de jouer mais pour leur permettre d'apprendre et de développer des compétences dans leur rôle de citoyen futur. »
Si la France dispose d'un peu moins de recul sur la tablette à l'école que le Québec, l'avis de ses spécialistes respectifs ne diverge pas non plus sur ce point :
« Dans sa vie privée, l'élève dispose de tout un tas d’objets numérique à proximité : smartphone, ordi, tablette, etc. » remarque Cédric Bony. Avant d'ajouter : « Cela me paraît surréaliste que l'école puisse être en décalage avec cela. »
L'info en plus:
La société Sophiae est spécialisée dans le conseil et la formation aux nouvelles technologies pour l'éducation. Cette jeune start up composée d'experts du monde de l'éducation a été acquise cet été par REALEASE Capital. Spécialiste de la location financière évolutive, la sociéte se dote ainsi d'une solution innovante et globale dans le domaine de l'éducation numérique et de l'école connectée.